Il fait comme il peut
« Il fait comme il peut » c’est ce qu’il disait.
Parfois on rencontre au détour de nos vies des personnes qui nous marquent à jamais, qu’on les côtoie quelques heures ou quelques jours, il y a après un moment où elles reviennent dans nos mémoires.
Je vous avais déjà raconté une histoire de ma vie ici avec une personne qui m’avait marquée.
C’était il y 20 ans lors d’un séjour dans un chalet en montagne est arrivée une équipe composée de personnes déficientes et d’animateurs.
Ce monde de la différence m’était presque étranger et j’observais de loin ces êtres aussi humains que vous et moi mais dont le cerveau ne marchait de façon identique. Il se trouvait parmi eux un homme, chauve, bedonnant, à l’âge indéfinissable, de ces hommes qu’on croisent sans jamais y prêter attention. Un monsieur Lambda, sans rien de particulier, habillé simplement, proprement, son cerveau avait arrêté son développement à l’âge de 8 ans, un choc, une histoire ? Je n’ai jamais su.
Il était simplement là, faisait ce qu’on lui disait de faire comme un enfant. Passer le balai, laver la salade, il participait aux mêmes tâches que nous tous. Il parlait comme un enfant de 8 ans, avec autant de vocabulaire et il disait tout le temps cela : « Il fait comme il peut… »
Quelqu’un avait réussi un beau plat et tout le monde félicitait, lui disait « Oh oui c’est beau, il fait comme il peut ». Si quelqu’un avait oublié de mettre le sel sur la table il disait « Oh oui c’est dommage il a oublié le sel, il fait comme il peut… » que ce soit positif ou négatif il terminait toujours ses phrases par « il fait comme il peut ».
Sur le moment j’ai juste pensé qu’il était limité et qu’on avait du lui dire cette phrase un jour. Et puis ensuite cette phrase m’a trotté dans la tête, des jours et des jours.
Qu’est ce que ça voulait bien dire « il fait comme il peut » ? Au fond, n’était-ce pas absolument ce qui nous arrivait à tous ? Ne faisons-nous pas comme nous pouvons ?
Qu’on réussisse ou qu’on rate, n’est-ce pas toujours la même chose : on a fait comme on a pu ?
Et si on adoptait cette phrase, notre regard sur les autres ne s’adoucirait-il pas ? Il a fait comme il a pu…
Il a essayé…
bravo il a réussi….
dommage il a raté…
mais il ne pouvait pas autrement de toutes les façons.
Cette phrase m’a libérée du poids de l’échec mais aussi du poids de la prétention.
Je fais comme je peux, tu fais comme tu peux, il fait comme il peut, on peut l’accorder sur tous les modes, sur tous les tons.
Gardons bien ça en mémoire quelle que soit notre place sur l’échelle des valeurs fluctuantes de nos vies et du regard des autres.
Voilà ce qu’une personne « déficiente » m’a apporté là où les personnes « valides » n’ont pas su me faire comprendre cela…
Nous avons tous une raison d’être et l’on donne sans savoir qu’on le fait.